Ferdinand von Schirach, ou comment la réalité dépasse la fiction

A force de lire de la fiction, des polars sombres et tortueux sortis de l'esprit, tout aussi retors, d'écrivains spécialisés, on a tendance à oublier que la réalité dépasse bien souvent la fiction. Deux recueils de nouvelles de Ferdinand von Schirach que j'ai lus récemment en sont la preuve.


Ferdinand von Schirach est un avocat berlinois spécialisé en droit pénal. De ses quinze années d'expériences en tant qu'avocat de la défense sont nés deux livres : Crimes, paru en 2011, et Coupables, paru en 2012.

A chaque fois, l'avocat nous raconte, sous la forme de nouvelles, quelques affaires marquantes dans lesquelles il est intervenu en tant que défenseur ou de partie civile. Meurtres, vols, viols, arnaques, tout le panel des infractions est représenté. 

Pourtant alors que l'on pourrait s'attendre à un simple polar juste un peu plus vrai que nature, c'est le côté humain de chacune des histoires relatées qui frappe. Celle de cette jeune serveuse par exemple, violée par plusieurs musiciens un soir de fête communale, « c’était des hommes tout à fait normaux et nul n’aurait imaginé qu’une telle chose pût arriver »... Ou encore celle de ce garçon, tellement épris de son amoureuse qu'il tentera de la dévorer, ou de cette femme battue qui finira par tuer son mari et que le juge cherchera par tous les moyens de faire acquitter.

Les drames et la misère humaine sont là mais l'humour aussi, comme dans l'histoire de ce petit malfrat, un peu idiot, chargé de veiller sur un chien et sur une clé qui finira par perdre les deux dans des circonstances tellement grotesques qu'elles m'ont presque fait douter de la véracité de ce récit. Je dois d'ailleurs avouer que je suis quelque peu dubitative quant à la possibilité qu'un avocat ait pu rencontrer tant d'affaires aussi incroyables en quelques quinze années d'exercice, mais cela n'enlève rien à la qualité de ces livres. Certains pourront par ailleurs peut-être déplorer le style extrêmement sobre et épuré (voire juridique ?) de l'auteur, pour ma part c'est ce que j'ai particulièrement apprécié, déformation professionnelle sûrement...

Ces deux recueils d'une dizaine de nouvelles chacun raviront aussi bien les amateurs de polars que les lecteurs attirés par les histoires humaines. Ce livre fait rire, pleurer parfois, il nous choque et ne laisse en aucun cas indifférent.

Crimes et Coupables, de Ferdinand von Schirach
224 et 192 pages
Editions Gallimard

2 commentaires:

  1. Crimes est dans ma PAL, tu m'as donné envie de l'en sortir très vite !

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  2. Dans le même genre, il y a le "Chroniques du crime" de Michael Connelly, recueil d'une vingtaine d'articles qu'il a écrit quand il était Chroniqueur judiciaire. De mémoire, il y avait une partie des articles qui portait sur les victimes, une autre sur les policiers ayant mené les enquêtes, et bien sûr une dernière sur les criminels... Là aussi, le caractère "humain" apparaissait très nettement à travers ce triptyque. Et au niveau stylistique, l'écriture de Connelly est également toujours très dépouillée et factuelle.

    La comparaison s'arrête là, parce que le regard d'un journaliste et celui d'un avocat (ayant été partie prenante de ces affaires qui plus est) ne peut bien évidemment pas être le même. Enfin, j'imagine... il faudrait que je lise von Schirach pour pousser plus loin la comparaison. L'envie est là, reste à trouver l'occasion... sourire....

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